Jürg Bühlmann, vous avez été élu au Conseil de fondation, à une écrasante majorité, lors de l’assemblée générale des investisseurs. Qu’avez-vous ressenti alors ?
C’était génial ! J’ai été accueilli avec beaucoup de bienveillance et j’ai pu nouer de nouveaux contacts pendant le déjeuner. C’est ce que j’aime dans ma profession : il ne se passe quasiment pas une journée sans que je rencontre de nouvelles personnes aux parcours passionnants.
Quel est votre parcours personnel ?
J’ai grandi dans un milieu modeste à Kloten. L’un de mes grands-pères était ouvrier en usine, l’autre travaillait dans la construction de routes. Lycéen, j’ai gagné mon premier argent à l’usine Eierschmid AG en triant des œufs sur la chaîne avant Pâques. Cette tâche – ouvrir une boîte, déposer des œufs sur le convoyeur – était très monotone et, dès le soir du premier jour, j’ai dit à ma mère que je ne voulais plus y aller. Elle m’a alors simplement répondu que je devais aller jusqu’au bout. Pendant longtemps, je n’ai plus pu avaler le moindre œuf, mais ce travail m’a appris l’humilité et que rien ne tombe tout cuit dans le bec. Dans les années qui ont suivi, j’ai travaillé dans la brigade d’un restaurant pendant les vacances, où je faisais la plonge et nettoyais la salade. Après mes études, mon premier emploi m’a conduit à la Zürcher Kantonalbank. Je suis pour ainsi dire directement passé de plongeur à banquier ! (rires)
Votre père travaillait déjà à la ZKB. Votre chemin était-il donc tout tracé ?
Oh que non ! Quand j’étais adolescent, je disais toujours à mon père : je ne ferai pas comme toi, c’est sûr.
Et pourtant, c’est ce qu’il s’est passé. Vous travaillez depuis 31 ans déjà à la ZKB.
Après mes études, j’ai choisi ZKB parce qu’on m’a proposé de collaborer à un projet passionnant. Il s’agissait d’une mission de contrôle : établir le calcul d’un coût de processus au sein de la banque. Nous devions déterminer les clients et produits avec lesquels la banque gagnait ou perdait de l’argent. Au fil des ans, j’ai constamment amélioré mes compétences, j’ai dirigé une équipe informatique, j’ai géré un portefeuille de placements immobiliers et c’est ainsi que je suis passé d’un projet intéressant à l’autre. Aujourd’hui, je suis responsable Clientèle entreprises.
Et nouveau membre du Conseil de fondation des Swisscanto Fondations de placement. Quels sont vos projets à ce poste ?
Tout d’abord, je dois rejoindre le comité et me faire une idée générale. Selon moi, mon rôle consiste à écouter et à poser les bonnes questions. Avec mon parcours professionnel, j’apporte une bonne connaissance du secteur immobilier. Je peux être un bon partenaire dans ce domaine. J’aimerais également créer des conditions optimales et aider les fondations à se développer durablement et à croître au profit des investisseurs.
Qu’est-ce qui distingue les Swisscanto Fondations de placement ?
Les Swisscanto Fondations de placement ont été créées en tant qu’entreprise collective des Banques Cantonales et sont toujours synonymes de fiabilité, de continuité, de modestie et de crédibilité. Des caractéristiques typiquement suisses, qu’il convient de préserver. Nous ne sommes pas obnubilés par l’optimisation des profits et nous nous engageons à investir les fonds de manière responsable.
Où voyez-vous les plus grands défis pour les caisses de pension dans l’environnement actuel ?
La gestion des placements dans un environnement de taux bas récurrent constitue assurément un défi majeur. Heureusement, la plupart des institutions de prévoyance sont solidement positionnées après la bonne année de placement 2023. Il faut aussi noter la tendance persistante des caisses de pension à se concentrer pour former des fondations collectives. Le nombre croissant de retraités et, par conséquent, le futur déficit de financement, me préoccupent également. Même si cela ne semble pas réalisable pour le moment, il n’y aura pas d’autre solution que de cotiser davantage ou de travailler plus longtemps à l’avenir. La retraite à 65 ans date d’une époque où les gens avaient une espérance de vie plus courte. Les tentatives de réformer le 2e pilier doivent impérativement être poursuivies malgré le rejet de la réforme LPP.
Pourquoi est-il si difficile de réformer le système ?
Probablement parce qu’il est tellement complexe. Par exemple, rares sont les personnes qui savent lire correctement un extrait de caisse de pension, et c’est aussi vrai chez les collaborateurs de la branche financière. Dans ces conditions, comment expliquer aux électeurs une réforme de la LPP ? Nous devons essayer de traduire la prévoyance professionnelle en messages clairs et compréhensibles. Afin d’inciter les destinataires à s’intéresser à leur prévoyance.
Depuis peu, on parle d’abroger les avantages fiscaux liés aux retraits de capitaux des 2e et 3e piliers…
Je ne trouve pas sérieux de vouloir modifier les règles en cours de jeu, et cela nuit également à la confiance dans le système de prévoyance professionnelle. J’espère que le Parlement rejettera à nouveau ces projets. Malheureusement, le mal est déjà fait.
Vous êtes un homme très occupé et vous avez désormais un autre mandat en plus de votre activité principale au sein de la ZKB. Comment conciliez-vous vie privée et vie professionnelle ?
Je suis un lecteur passionné : livres d’histoire, biographies et littérature, par exemple la biographie de Hans-Dietrich Genscher et celle de Wolfgang Schäuble. Je peux m’enthousiasmer pour beaucoup de choses. Sauf peut-être pour « L’homme sans qualités » de Rober Musil. J’essaie toujours de comprendre pourquoi ce livre fait partie des grands classiques. Mais je n’abandonne pas, parfois le chemin est plus important que la destination (rires). J’aime aussi les livres d’art. Saviez-vous que la première exposition impressionniste n’a guère suscité d’intérêt et que Claude Monet a longtemps eu du mal à vendre ses toiles ? Je vais souvent voir des expositions d’art avec ma femme – heureusement nous avons les mêmes goûts. Et puis je joue du piano.
Jouer du piano est un hobby plutôt inhabituel pour un banquier…
À l’époque, la fille de nos voisins jouait déjà du piano à l’âge de 7 ans, cela m’a impressionné et j’ai voulu apprendre à en jouer aussi. J’ai certes toujours eu besoin de me faire un peu tirer l’oreille pour m’entraîner, mais j’aimais jouer devant un public. Le meilleur moment, c’était l’audition annuelle à la maison de retraite. Les débutants passaient toujours au début, puis les meilleurs clôturaient le spectacle. Les dernières années, je passais toujours en dernier (rires).
D’autres activités pour vous détendre ?
Je ne dirais pas que c’est un moment de détente, mais j’aime beaucoup partir en excursion et voyager avec ma femme, les filleuls ou ma nièce. J’aime découvrir des lieux et des cultures étrangères et me laisser surprendre. Par exemple à Wurtzbourg : qui aurait cru que le château était encore plus magnifique que Versailles et Schönbrunn réunis !
Vous avez assez de temps pour voyager ?
Je m’organise ! Pour voir les amis, c’est pareil. Les soirées en semaine sont généralement déjà remplies et je dois planifier longtemps à l’avance. Mais on s’y habitue. Et on n’est pas non plus obligé d’aller loin. J’aime tout autant passer un après-midi sur le terrain de golf avec ma femme, en plein air, au soleil.