Rafik Awad, le Manufakt8048 va bientôt être intégré au portefeuille que vous contribuez à gérer. Vous avez participé à l’acquisition du Manufakt8048. De quel type de bâtiment s’agit-il et qu’a-t-il d’enthousiasmant ?
Rafik Awad : Du point de vue de son caractère, le Manufakt se positionne à mi-chemin entre un bâtiment de bureaux classique et un bâtiment commercial typique. Ainsi, les surfaces ne sont pas celles d’un bâtiment de bureaux, et la cour intérieure apporte de la lumière et de la vie. Le groupe-cible visé est celui des entreprises actives dans la production, mais présentant une forte valeur ajoutée. On trouve à titre d’exemple des locataires actifs dans le domaine des industries high-tech ou une société créée en tant que spin-off de l’EPF et désormais devenue une importante entreprise dans le processus de fabrication des technologies de microprocesseurs grâce à des produits innovants.
L’équipe d’architectes autour de Theo Hotz a développé un concept passionnant sur cette surface d’environ 14‘500 m2. Nous avons beaucoup tenu à ce qu’elle puisse être utilisée de manière totalement flexible. Certes, de nombreux aménagements répondent aux besoins du locataire principal, mais si celui-ci venait à partir, il n’y aurait pas de gros travaux à faire pour adapter les locaux à des besoins différents. Je suis impatient de découvrir le bâtiment quand il commencera à vivre grâce à la présence de ses locataires.
A ce propos, justement : avez-vous bon espoir de pouvoir le louer intégralement ? Les bureaux vides, ce n’est pas ce qui manque dans la vallée de la Limmat.
Rafik Awad : Nous avons de bonnes raisons d’être très optimistes. 70% des surfaces sont déjà louées. En outre, la qualité de l’emplacement est excellente grâce à la desserte directe par RER. La ville de Zurich a mis à disposition des terrains constructibles tout autour de la gare d’Altstetten, ce qui permet une utilisation à titre commercial – c’était là une décision courageuse et sage qui a permis aux jeunes entreprises en plein essor de s’y implanter. Le développement de ce quartier est très prometteur.
Andreas Meier, comment voyez-vous les choses en tant que responsable de la gestion du portefeuille immobilier ? Pourquoi ce projet plutôt atypique est-il attrayant pour la fondation de placement ?
Andreas Meier : Effectivement, il n’existe aujourd’hui pratiquement rien de comparable dans le portefeuille de Swisscanto Fondation de placement – qui compte tout de même près de 250 biens immobiliers pour un volume de placement de 8 milliards de francs ! De toute manière, les bâtiments commerciaux sont plutôt sous-pondérés. Mais le but est d’assurer l’équilibre entre habitation et commerce. Et pour cela, le Manufakt est idéal. Le fait d’investir dans un immeuble commercial neuf de ce type, situé dans un emplacement idéal et loué en très grande partie renforce la qualité du portefeuille, entre autres parce que cet immeuble permet de générer un rendement supérieur à celui d’immeubles locatifs pour un risque adéquat.
En fin de compte, comment les décisions sont-elles prises pour ce genre de projets ?
Andreas Meier : C’est un processus en plusieurs temps. Nous commençons par sélectionner les opportunités de placement auxquelles nous voulons donner suite. La sélection restreinte est ensuite analysée dans le détail et vérifiée, et pour finir, fait l’objet d’une demande auprès des instances de placement. Il y a d’une part la commission de placement indépendante, composée d’experts externes de domaines spécialisés tels que la construction, les développements et les finances, qui ” passe au crible ” toutes les demandes et leur donne une évaluation. En outre, le comité de placement interne examine les investissements d’une certaine importance. Les évaluations se font sur la base d’une demande tenant compte de nombreux éléments, notamment le rapport rendement/risque, la viabilité sur le marché, la qualité de l’emplacement et la qualité de la construction. Ainsi, tous les aspects essentiels sont évalués sous toutes sortes d’angles pour alimenter la décision, de sorte que nous pouvons mettre en œuvre une politique d’investissement durable et stable pour nos investisseurs.
Les besoins des locataires jouent aussi un grand rôle dans le deuxième projet. Le complexe d’habitation de la Trichtenhausenstrasse à Zurich-Witikon est un bâtiment qui répond aux exigences les plus élevées de la norme eco Minergie-P. Quelles sont les particularités de ce projet ?
Rafik Awad : Par principe, nous veillons à ce que nos bâtiments neufs soient d’une très grande qualité. L’une des particularités, c’est la décision, ou plutôt la possibilité, d’acheter une parcelle si importante à Zurich, où les réserves de terrains constructibles sont extrêmement rares. Grâce aux bons contacts et à l’endurance de notre équipe de transaction, nous y sommes cependant parvenus il y a plusieurs années, en 2015. Witikon est très séduisante : la proximité de la ville, l’emplacement attrayant, la commune avec sa structure démographique en forte croissance. Avec la plus grande parcelle le long de la Katzenschwanzstrasse, également à Witikon, nous souhaitons nous adresser à des groupes-cibles différents et offrir non pas des appartements de luxe, mais des espaces d’habitation à la portée des classes moyennes et accueillants pour les familles.
A l’heure actuelle, le télétravail est très répandu. On a d’un côté des bureaux vides, et de l’autre des appartements bondés. Constatez-vous une évolution de la demande, par exemple pour la location du Manufakt8048 ?
Rafik Awad : En ce moment, la location d’immeubles commerciaux est difficile en général. Mais notre courbe de location au Manufakt est extrêmement positive. Aujourd’hui, 70% sont déjà loués. Pour le reste, nous avons une garantie de loyers du constructeur pour 5 ans. La rentabilité est donc assurée dès le début. Bien sûr, la pandémie nous met aussi à rude épreuve de façon générale, et pas seulement avec le Manufakt. Certaines personnes désireuses de louer attendent de mieux connaître les nouveaux besoins avant de se décider. Elles se posent beaucoup de questions. Mais une telle période peut aussi inciter les gens à revoir leurs besoins à la baisse. Alors, les critères tels que la connexion, l’emplacement ou la qualité des locaux feront pencher la balance, et les gens finiront par dire : ” Ça y est, on déménage ! ” Peut-être même pour aller au Manufakt.
Vers où vous mènent vos réflexions relatives aux nouveaux besoins dans le domaine du logement ?
Rafik Awad : Les avis divergent sur ce point – c’est justement ce qui rend la chose passionnante ! Faut-il une pièce de plus par appartement pour le télétravail ? Ou des espaces de co-working doivent-ils être intégrés dans le bâtiment lui-même ? À la Badenerstrasse à Zurich, nous sommes justement en train d’aménager un projet présentant des petits appartements très compacts et des espaces de travail partagés. D’un côté comme d’un autre, je suis sûr que la question du coronavirus va encore nous occuper.
Andreas Meier : Je suis tout à fait d’accord. Nous suivons de très près les incidences du coronavirus sur le comportement en matière de logement et nous en tenons compte dans nos planifications prochaines. Mais il est encore impossible de dire : ” Désormais, nous allons toujours construire des appartements plus grands. ” Soyons honnêtes : pour l’instant, nous ne pouvons que suivre les évolutions – et prendre alors, au niveau de la planification, des décisions intelligentes et informées.
Rafik Awad, en tant que gérant de portefeuille, vous jetez les bases de la gestion et de l’optimisation du stock d’immeubles. Comment procédez-vous concrètement ?
Rafik Awad : Eh bien, il est évidemment très difficile de pouvoir dire, au milieu de plusieurs centaines d’immeubles, que le bâtiment en question s’adapte ou non à notre stratégie. Ou d’évaluer ce qui constitue la meilleure stratégie pour le bien immobilier individuel sur l’ensemble de son cycle de vie. Car les avis sont toujours subjectifs, mais aboutissent en fin de compte à des échanges très intéressants. Pour un portefeuille aussi important que le nôtre, il est cependant utile de fonder les décisions sur des données solides. Nous le faisons en nous appuyant sur nos outils, qui nous permettent d’anticiper de deux ou trois ans sur notre stratégie et de prendre les bonnes décisions de manière proactive.
Vous êtes nouveau dans l’équipe chargée du portefeuille. Comment êtes-vous arrivé là ?
Rafik Awad : J’aime être un généraliste qui s’intéresse à de nombreuses questions, et le domaine du portefeuille immobilier me propose précisément cela. Je suis né au Caire et j’ai commencé des études d’ingénieur civil en Allemagne à 18 ans. Plus tard, j’ai travaillé au Moyen-Orient dans le domaine de la planification et de la gestion de projets et j’ai vécu de près la crise financière à Dubaï. J’ai vu à cette occasion que la planification de projets était une bonne chose, mais que derrière cela se cachait une propre économie gigantesque. Lorsque tout s’est arrêté à cause de la crise, j’ai commencé à m’intéresser à ces questions et j’ai passé un MBA dans le domaine de l’immobilier. Je voulais comprendre les interdépendances entre les divers aspects de l’économie immobilière. Je suis arrivé en Suisse par pur hasard. Implenia cherchait quelqu’un ayant de l’expérience au Moyen-Orient. J’ai commencé comme chef de projet avant de passer au développement de projets, et plus tard, aux conseils aux investisseurs. Durant les sept années où j’ai travaillé pour Implenia, j’ai notamment pu conseiller Swisscanto, qui a fini par me recruter, tout d’abord dans le domaine des transactions immobilières et maintenant dans celui de la gestion du portefeuille. C’est ainsi que j’ai trouvé mon bonheur en Suisse, où j’ai fait la connaissance de ma femme et où j’ai fondé une famille.
Qu’aimeriez-vous construire vous-même un jour ?
Rafik Awad : Un complexe de logements modulaire comportant des unités qui s’adaptent au maximum aux besoins de leurs locataires, pendant toute leur vie. Comment ajouter des pièces ou en retirer en fonction des besoins ? C’est le genre de réflexions que je trouve passionnantes. Je pense que la construction modulaire est un sujet en plein essor. Nous avons besoin de plus de flexibilité. Les utilisations doivent devenir plus flexibles. La flexibilité est peut-être la solution de nombreux problèmes – et en tant qu’investisseurs, nous sommes tenus de suivre de telles évolutions.
Est-ce qu’un tel complexe pourrait devenir un autre pilier de stabilité pour le portefeuille immobilier de Swisscanto Fondation de placement ?
Andreas Meier : C’est tout à fait concevable. Si les autres aspects étaient aussi favorables que dans les deux projets présentés et surtout si la qualité de l’emplacement était aussi bonne, il serait sûrement possible d’obtenir une plus-value ayant un effet stabilisateur. Et si cette flexibilité accrue et cette construction modulaire permettaient de réaliser une rentabilité conforme au marché, cela vaudrait assurément la peine d’être examiné.
Andreas Meier, Rafik Awad – merci beaucoup de nous avoir accordé cet entretien.