Des turbulences traversées avec succès

Présentation des résultats simultanément à Zurich et Lausanne. Pour la 1ᵉ fois, les résultats ont été présentés en même temps à Zurich et Lausanne. Steve Michel et Laurent Monod ont eu le plaisir de présenter l'édition 2023 de l'étude à plus de 60 invités représentants de la prévoyance professionnelle.

Ce qui monte doit finir par redescendre : les caisses de pension en ont fait l’expérience en 2022. Après les succès de 2021 avec des rendements moyens de 8,4 %, l’année 2022 a été celle du plongeon avec une perte moyenne de 8,8 %. Mais la majorité des caisses de pension ont bien surmonté la crise, jusqu’à continuer à présenter en fin d’année un taux de couverture moyen supérieur à 110 %. C’est ce que révèlent les résultats de l’étude 2023 sur les caisses de pension suisses, présentée le 31 mai à la salle AURA de l’ancienne Bourse de Zurich.

Pour la première fois, Urs Baumann, nouveau CEO de la Zürcher Kantonalbank, a accueilli les invités à la présentation de l'étude sur les caisses de pension suisses.

Urs Baumann, CEO de la Zürcher Kantonalbank, a souhaité la bienvenue aux quelque 200 personnes présentes en soulignant l’importance de l’étude, dont il s’agissait déjà de la 23e édition : « Elle est devenue le référentiel le plus important sur le marché de la prévoyance. » L’étude sur les caisses de pension suisses rassemble les résultats d’une enquête réalisée auprès de 472 institutions de prévoyance qui représentent 70 % des assurés suisses et gèrent une fortune de 738 milliards de francs.

L'allocation des actifs est la clé du succès: tel a été le message principal d’Iwan Deplazes, Head Asset Management de la Zürcher Kantonalbank.

La hausse des taux, une chance à saisir

Urs Baumann a souligné la situation confortable dans laquelle se trouvaient les caisses de pension en début d’année. « Grâce aux très bonnes performances de 2021, les institutions de prévoyance ont connu un atterrissage en douceur en 2022 malgré les pertes. » Son message : le système de la prévoyance en Suisse n’a rien perdu de sa stabilité. Par ailleurs, Urs Baumann voit dans la hausse des taux d’intérêt une chance à saisir : « Les obligations sont redevenues rentables. Cela va contribuer à maintenir, voire à améliorer le niveau de prestations des assurés. » Iwan Deplazes, responsable Asset Management de la Zürcher Kantonalbank, regarde lui aussi la situation avec décontraction : « Les caisses de pension sont bien positionnées. Les réserves pour fluctuation de valeur ont joué leur rôle en 2022. »

Grosses divergences dans les performances

Un tiers des caisses de pension interrogées sont restées fidèles à leur stratégie de placement en dépit du contexte difficile. Un tiers ont procédé à un rééquilibrage tactique du portefeuille et un autre tiers ont adapté soit l’allocation des actifs, soit le taux d’intérêt technique.

Les résultats des institutions de prévoyance ont affiché une très large distribution : la meilleure performance a été de -1 %, la moins bonne de -16 %.

Quelles sont les caisses de pension à s’en être particulièrement bien tirées, et pourquoi ? Iwan Deplazes le dit sans ambages : « L’allocation des actifs a été la clef du succès. » Les caisses aux performances les plus élevées avaient investi près de la moitié de leur fortune de placement dans l’immobilier, les infrastructures et les placements alternatifs. Les caisses aux performances les plus faibles, quant à elles, avaient essentiellement misé sur les actions, les obligations, les hypothèques et les liquidités. De façon peu surprenante, les caisses dont la performance a été plus élevée s’en sont mieux sorties, tant sur le plan du taux de couverture que sur celui de la rémunération servie sur les avoirs de vieillesse. Leurs résultats ont été légèrement moins bons uniquement en matière de taux de conversion.

Heini Dändliker, responsable Key Account Management de la Zürcher Kantonalbank, a fait part de bonnes nouvelles sur le front des taux d'intérêt.

Bonnes nouvelles pour le taux de conversion

« Comment les caisses de pension ont-elles réagi à la situation d’un point de vue actuariel ? » a demandé l’animateur Martin Spieler à Heini Dändliker, responsable Key Account Management de la Zürcher Kantonalbank. Ce dernier l’a tranquillisé : « On constate avec plaisir que les taux de couverture de la plupart des caisses de pension restent solides. » Ainsi, la plupart des caisses affichaient toujours un taux de couverture supérieur à 100 % fin 2022, et en moyenne une réserve de 10 %. « C’est un bon résultat. » En outre, trois évolutions positives se dessinent du côté des prestations. Les taux de conversion semblent entamer une stabilisation, la redistribution des assurés en activité vers les bénéficiaires de rentes s’est réduite et le taux d’intérêt technique a recommencé à progresser légèrement, après un recul constant ces dernières années. « Les taux de valorisation reflètent maintenant à nouveau la réalité économique », a résumé Heini Dändliker. Pour les intérêts sur le capital, la situation est un peu plus compliquée : les avoirs de vieillesse ont été rémunérés en moyenne de 1,9 % en 2022, mais l’inflation a été de 2,8 % – une situation que l’on ne connaissait plus depuis longtemps.

Anticipation partielle sur la réforme de la LPP

Dans l’optique de la prochaine réforme de la LPP, il se trouve que de nombreuses caisses satisfont déjà aux exigences, parfois âprement débattues, par exemple en ce qui concerne la déduction de coordination. 88 % des caisses de pension adaptent déjà la déduction au salaire et au taux d’occupation ou l’ont tout à fait abandonnée. Il en va différemment pour l’abaissement du seuil d’accès LPP : deux caisses sur trois connaissent encore un seuil d’accès fixe et devraient prendre des mesures si la réforme venait à s’appliquer.
Discussion en table ronde (de gauche à droite): Iwan Deplazes, Head Asset Management de la Zürcher Kantonalbank, Mia Mendez de la caisse de pension du personnel de P-Suisse et Martin Roth, Président de l’ASIP, sous la houlette de Martin Spieler.

Les caisses devraient exploiter leur capacité à prendre des risques

Mia Mendez, Directrice de la caisse de pension du personnel de P-Suisse, Martin Roth, Président de l’ASIP et Directeur de la caisse de pension de Manor, ainsi qu’Iwan Deplazes de la Zürcher Kantonalbank ont ensuite participé à une table ronde. L’animateur Martin Spieler leur a demandé : « En 2022, les différences ont été importantes – que peuvent faire les caisses dont les performances ont été mauvaises ? » Iwan Deplazes a alors défendu un point de vue clair et net : « Elles doivent exploiter toute leur capacité à prendre des risques et consolider leur savoir-faire pour profiter de la diversification des placements. » Martin Spieler a repris la balle au bond : « Faut-il davantage d’expertise au sein des conseils de fondation ? » Martin Roth a répondu par la négative : « La plupart des membres des conseils de fondation sont très bien formés et se perfectionnent sans cesse. La loi stipule que le conseil de fondation doit se composer de manière paritaire de représentants des employeurs et des salariés. » Une composition trop technocratique irait à l’encontre de ce principe.

Martin Spieler a fait observer que le private equity et les placements alternatifs sont des types de placements prédestinés pour les caisses de pension. « Pourquoi ne sont-ils pas plus utilisés ? » Mia Mendez a avancé une réponse prudente : « Il s’est avéré par le passé que certains produits tels que les hedge funds n’apportaient pas une grande valeur ajoutée. En outre, de nombreuses caisses ne peuvent investir dans les placements illiquides que de manière limitée, parce qu’elles doivent s’acquitter de leurs obligations envers les assurés et payer les rentes et le capital rubis sur l’ongle. » La caisse de pension de Manor possède une part respectable de 12 % de placements en private equity. Mais même son Directeur Martin Roth a relevé : « La gestion de ces placements au quotidien n’est pas facile et implique un travail supplémentaire. De nombreuses caisses ne se sentent pas totalement à l’aise sur ce plan. » Iwan Deplazes l’a confirmé : « Étant donné que le private equity relève d’entreprises non cotées en bourse, ces placements sont plus difficiles à analyser. Mais on ne devrait pas les exclure d’entrée de jeu. Ils offrent une possibilité de diversifier le portefeuille. »

 

Martin Spieler a résumé : « La plupart des caisses de pension tirent profit d’avoir bien fait leurs devoirs. » Leur situation actuelle est bonne, avec encore une marge de progression. En d’autres termes : « Il reste toujours nécessaire d’innover, sans tout remettre en cause pour autant. »

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